Chaque fois que j’ose expliquer ce qui se passe réellement avec les «gourmands» des tomates, ceux que tout le monde nous dit de supprimer, cela suscite un tel tollé que j’en ai pour des semaines de courriels haineux de la part des jardiniers choqués. On dirait qu’ils ne veulent pas entendre la vérité sur la situation, que le concept de «gourmand» leur est si précieux qu’ils y tiennent précieusement.
Mais parfois, il vaut la peine d’entendre la réalité.
Le mot juste Un gourmand est, par définition, une tige qui ne produit pas. Or les soi-disant gourmands des tomates (si on les laisse pousser, bien sûr) produiront fleurs et fruits. Ces «gourmands», qui poussent à l’aisselle des feuilles, ne sont pas autre chose que des tiges secondaires. Les laisser pousser peut même presque doubler la récolte de tomates si les conditions sont bonnes.
Un gourmand sape l’énergie, une tige feuillue en donneLe mot «gourmand» est lourd de sens et est nettement péjoratif. Quand on l’entend, on imagine que le gourmand sape l’énergie de la plante. Au contraire, le mot «tige», le vrai terme, n’est ni négatif ni positif.
Peut-on au moins, avant de continuer la conversation, appeler les choses par leur nom et donner aux pousses qui paraissent à l’aisselle des feuilles leur vrai nom, soit tige (ou branche, si vous préférez), avant d’aller plus loin?
Car les tiges secondaires qui poussent sur les tomates ne sapent pas l’énergie de la plante. Bien au contraire, elles lui
fournissent de l’énergie.
On se rappelle que toute l’énergie des végétaux vient de la photosynthèse et que la photosynthèse est faite par les parties vertes de la plante. Et ces tiges secondaires sont non seulement vertes, mais portent des feuilles, beaucoup de feuilles. Plus une plante de tomate a de feuilles, plus elle aura de l’énergie. C’est aussi simple que cela.
Pourquoi alors supprime-t-on les tiges secondaires?Des générations de jardinier ont appris à supprimer les tiges secondaires. Même mon père a toujours insisté sur le fait que cette taille était importante. D’ailleurs, la pratique est aujourd’hui si bien ancrée qu’on oublie pourquoi on l’applique. Voici la raison:
Quand on tuteure une plante de tomate pour l’élever du sol, il y a une limite au nombre de tiges qu’on peut fixer au support. Nos ancêtres ont pris la décision de supprimer les tiges secondaires de façon à mieux pouvoir monter la plante sur son support, puis de planter plus serré pour essayer de compenser. Quand on utilise un seul tuteur, habituellement on ne conserve qu’une tige, la principale, et l’on supprime les autres. Quand on utilise deux tuteurs, on laisse pousser une deuxième tige et l’on supprime les autres.
Donc, la suppression des tiges secondaires était à l’origine strictement une question de technique de tuteurage.
Quand les conditions sont bonnes, les tomates non taillées donnent presque deux fois plus de tomates que les tomates taillées, mais elles sont légèrement plus petites.
Si vous ne supprimez pas les tiges secondaires, vous obtiendrez environ 2 fois plus de tomates (quand les conditions sont bonnes, 1½ plus sous des conditions moyennes), mais elles seront d’une taille légèrement inférieure aux tomates produites par une plante taillée. Par contre, elles ont souvent meilleur goût, car la plante a plus de feuilles et donc plus d’énergie… et la plante convertit l’énergie solaire en sucre.
Évidemment, le plus grand avantage de ne pas supprimer les tiges secondaires est que cela vous demande moins d’efforts. Vive la paresse dans le jardinage!
La croyance que laisser pousser toutes les branches ralentira la récolte est fausse. Une tomate non taillée produira aussi rapidement qu’une tomate taillée. Après tout, elle a plus d’énergie pour le faire.
Oui, diront certains, mais les fruits doivent être exposés au soleil pour mûrir et donc une plante taillée, qui a nettement moins de feuillage pour cacher les fruits, verra ses fruits mûrir plus vite. Mais en fait, ce n’est pas le cas: même les fruits complètement cachés par le feuillage mûrissent parfaitement bien. C’est le feuillage qui doit être exposé au soleil, pas les fruits. D’ailleurs, les fruits subitement exposés directement au soleil à la suite d’une taille peuvent prendre une
insolation.
Les jardiniers des régions froides qui prétendent que, à cause de leur saison de croissance courte, il leur faut supprimer les branches secondaires pour accélérer le mûrissement, se trompent aussi. D’accord, en fin de saison, supprimer les fleurs et les fruits qui n’auront pas le temps de mûrir et donc qui utilisent inutilement l’énergie de la plante, peut être utile pour améliorer le goût des tomates restantes, mais si possible, laissez le feuillage intact. Je répète, plus la tomate a de feuilles vertes, plus elle disposera d’énergie… un grand avantage quand votre saison de croissance est courte.
Alors, on taille ou on ne taille pas?Maintenant que vous savez un peu plus sur la situation, c’est à vous de décider si vous supprimez ou non les tiges secondaires. Mais moi, je ne taille pas !
Bibliographie :
(Journaliste et blogueur horticole, auteur de 65 livres de jardinage, conférencier et vulgarisateur hors pair, le jardinier paresseux, Larry Hodgson, nous a quitté en octobre 2022. Reconnu pour sa grande générosité, sa rigueur et son sens de l'humour, il a touché plusieurs générations de jardiniers amateurs et professionnels pendant 40 ans de carrière. Grâce à son fils, Mathieu Hodgson, et une équipe de collaborateurs, le blogue continuera sa mission. Le blogue le jardinier paresseux offre plus de 2800 billets aux amateurs de jardinage, toujours dans le but de démystifier le jardinage et le rendre plus facile aux participants. Si vous avez une question sur le jardinage,)